NOYAUX ACTIFS DE GALAXIES

BLAZARS

Les noyaux actifs de galaxie (AGN) sont les sources lumineuses récurrentes les plus puissantes de l’Univers et dominent le ciel extragalactique en rayons gamma. La région centrale d’un AGN est composée d’un trou noir massif, avec une masse de 100 millions à plus d’un milliard de masses solaires, un disque d’accrétion alimentant le trou noir, des nuages produisant des raies d’émission (BLR pour « Broad-Line Region ») et un tore de poussières. Elle éjecte un spectaculaire jet de plasma dans le cas d’AGN émetteurs en radio (« radio-galaxies »). Les radio-galaxies dont le jet est dirigé vers la Terre sont appelées blazars. Le quasi-alignement du jet, dont la vitesse est voisine de la vitesse de la lumière, avec la ligne de visée conduit à différentes aberrations observationnelles, la luminosité apparente et l’énergie des rayonnements étant fortement amplifiées alors que les échelles de temps de variabilité du flux radiatif (allant de quelques mois à moins d’une heure) apparaissent plus courtes. Les blazars émettent des rayonnements sur l’ensemble du spectre électromagnétique, du domaine radio jusqu’à celui des rayons gamma au GeV ou même au TeV. Deux classes sont connues, appelées Flat-Spectrum Radio Quasars (FSRQs) et BL Lacs, et se distinguent par des raies d’émission fortes ou faibles respectivement. L’intensité des raies d’émission reflète la luminosité du disque d’accrétion et indirectement le taux d’accrétion. Différents sous-catégories, appelées LSP, ISP et HSP (pour « Low-, Intermediate- and High-Synchrotron-peaked blazars » respectivement) sont définies en fonction de la position du pic à basse énergie (attribué à l’émission synchrotron des électrons) dans la distribution du spectre électromagnétique de ces blazars.

    Etude de populations (LBAS, 1LAC, 2LAC)

      Le groupe du LP2i Bordeaux a été très impliqué dans la coordination et la réalisation des trois listes de sources et catalogues de noyaux actifs de galaxie produites par la collaboration Fermi-LAT depuis le lancement de Fermi : LBAS (LAT Bright AGN Source) [ABDO09d], 1LAC [ABDO10e], et 2LAC [ACKE11a], couplés aux catalogues généraux de sources BSL (Bright Source List, basé sur 3 mois de données), 1FGL (basé sur 11 mois de données) et 2FGL (basé sur 24 mois de données) respectivement.

      En plus de compiler les sources détectées, ces catalogues s’attachent à décrire les propriétés générales (distributions de flux, d’indice spectral, de luminosité en rayons gamma, variabilité, distance…) des différentes classes et à mieux cerner les mécanismes responsables de ces différences. Le 2LAC compte environ 1100 sources, ce qui représente une augmentation de 52% par rapport au 1LAC. Une écrasante majorité (97%) de ces sources sont des blazars, seule une dizaine étant des radio-galaxies proches dont le jet est orienté à grand angle par rapport à la direction de la Terre. Approximativement 75% des sources du 2FGL situées à haute latitude galactique (10°) sont incluses dans le 2LAC. La majorité des blazars dont la classe spectrale a pu être identifiée sont des BL Lacs (56%), confirmant la tendance observée avec le LBAS et 1LAC. En effet le spectre gamma observé est en moyenne plus dur pour les BL Lacs que les FSRQs, ce qui fait qu’à flux équivalents, les premiers sont plus significativement détectés que les seconds. Il faut noter que les raies faibles voire indétectables des BL Lacs entraînent que les décalages spectraux n’ont pu être mesurés que pour 45% d’entre eux. Parmi les BL Lacs, les HSPs dominent les ISPs et LSPs, les proportions étant 53%, 27%, 20% respectivement, alors que quasiment tous les FSRQs sont des LSPs. La synergie entre les domaines du GeV et du TeV est remarquable pour les AGNs puisque sur 45 sources détectées au sol, 39 figurent dans le 2LAC.

      En plus de compiler les sources détectées, ces catalogues s’attachent à décrire les propriétés générales (distributions de flux, d’indice spectral, de luminosité en rayons gamma, variabilité, distance…) des différentes classes et à mieux cerner les mécanismes responsables de ces différences. Le 2LAC compte environ 1100 sources, ce qui représente une augmentation de 52% par rapport au 1LAC. Une écrasante majorité (97%) de ces sources sont des blazars, seule une dizaine étant des radio-galaxies proches dont le jet est orienté à grand angle par rapport à la direction de la Terre. Approximativement 75% des sources du 2FGL situées à haute latitude galactique (10°) sont incluses dans le 2LAC. La majorité des blazars dont la classe spectrale a pu être identifiée sont des BL Lacs (56%), confirmant la tendance observée avec le LBAS et 1LAC. En effet le spectre gamma observé est en moyenne plus dur pour les BL Lacs que les FSRQs, ce qui fait qu’à flux équivalents, les premiers sont plus significativement détectés que les seconds. Il faut noter que les raies faibles voire indétectables des BL Lacs entraînent que les décalages spectraux n’ont pu être mesurés que pour 45% d’entre eux. Parmi les BL Lacs, les HSPs dominent les ISPs et LSPs, les proportions étant 53%, 27%, 20% respectivement, alors que quasiment tous les FSRQs sont des LSPs. La synergie entre les domaines du GeV et du TeV est remarquable pour les AGNs puisque sur 45 sources détectées au sol, 39 figurent dans le 2LAC.

      Une corrélation significative est observée entre la luminosité gamma et l’indice spectral gamma, ce qui semble accréditer le paradigme de la « séquence des blazars’’, où la forme du SED, en particulier la position des bosses à basse et haute énergies, est corrélée avec la luminosité bolométrique. Cependant, la corrélation disparaît si l’on considère les FSRQs et BL Lacs séparément. De plus, moins de la moitié des BL Lacs ayant une distance mesurée, un effet de sélection peut biaiser la corrélation observée.

      CENBG_ASTRO_PulsarCartoon

      Les blazars du 2LAC sur le ciel

      Positions des blazars du 2LAC sur le ciel (la Voie Lactée est exclue à cause de la difficulté d’associer les sources dans cette zone, FSRQs : rouge, BL Lacs : bleu et classe indéterminée : vert). Extrait de [ACKE11a].

        Etude du blazar 3C 454.3

          Lors du début des opérations de Fermi en Juillet 2008 [ABDO09e], le blazar 3C 454.3, un FSRQ situé z=0.859 (7.2 milliards d’années lumière), a montré une activité exceptionnelle, permettant une analyse spectrale et temporelle d’une qualité sans précédent dans ce domaine d’énergie. L’analyse réalisée a montré un spectre en énergie complexe avec une cassure spectrale Gamma ≥1) vers 2 GeV, alors que les spectres de blazars mesurés par EGRET étaient tous compatibles avec de pures lois de puissance. Depuis, la présence d’une telle cassure spectrale sur la plupart des FSRQs brillants, et certains BL Lacs LSP and ISP a été montrée mais pour aucun BL Lacs HSP [ABDO10f].

          L’interprétation de cette cassure n’est pas encore claire mais a suscité un effort théorique appréciable. Cette cassure pourrait refléter une structure dans le spectre en énergie des électrons émetteurs, ou la superposition de deux composantes spectrales distinctes correspondant à la diffusion Compton des électrons sur les photons provenant du disque d’accrétion d’une part et de la BLR d’autre part ou encore un effet d’atténuation  avec les photons du continuum et des raies Lyman He II de recombinaison produits dans la BLR.

          Le blazar 3C 454.3 a montré plusieurs renouveaux d’activité importante en Décembre 2009, avec un flux (E>100 MeV) journalier record de 2.2×10-5 ph cm-2 s-1, puis Avril 2010 [ACKE10] et enfin Décembre 2010 [ABDO11], où il a atteint un flux moyen de 4.3×10-5 ph cm-2 s-1 pendant 4 jours (correspondant à une luminosité apparente supérieure à 1050 erg cm-2 s-1) et un flux crête incroyable de plus de 8.5×10-5 ph cm-2 s-1 sur une période de 3 heures, avec un temps de doublement de flux de 6 heures. Pendant ces périodes, ce blazar représentait la source la plus brillante du ciel gamma. Contrairement aux éruptions précédentes, l’éruption exceptionnelle de Novembre 2010 a montré une variabilité spectrale importante, avec un retard de la composante haute énergie (E> 1 GeV) par rapport à la composante de plus basse énergie (100 MeV < E< 1 GeV) à la fois dans les phases de croissance et de décroissance du flux. Cette observation est indicative d’un effet lié à l’accélération de particules ou d’un effet d’absorption graduellement atténué par l’accroissement de la taille de la zone d’émission ou du facteur Doppler. Remarquablement, la majorité (10 sur 12) des photons de très haute énergie (E> 10 GeV), dont le photon d’énergie maximale (31 GeV), sont détectés dans la phase de décroissance de l’éruption.

          Grâce à sa couverture du ciel en 3 heures et sa grande sensibilité, le LAT permet d’appréhender à long terme la variabilité d’une grande population de blazars dans le domaine du GeV.

          Génération de courbes de lumière avec pas d’échantillonnage adaptatif et études de variabilité des blazars Les études de variabilité des blazars fournissent des informations essentielles sur les processus dynamiques à l’œuvre dans ces objets et apportent des contraintes importantes sur leurs paramètres physiques.

            De par les importantes fluctuations de flux montrées par les blazars sur différentes échelles temporelles, produire des courbes de lumière qui préservent un maximum de l’information contenue dans les données n’est pas chose aisée. Dans le cas d’une utilisation de pas de temps réguliers, un pas long conduit à un lissage des variations rapides accessibles dans les éruptions brillantes. Au contraire, un pas de temps court conduira pendant les périodes de faible activité à des limites supérieures, difficiles à prendre en compte proprement dans les analyses. Ces considérations ont conduit à développer une méthode originale où le pas de temps est modifié de façon adaptative de telle sorte que l’incertitude relative sur flux (ou au choix de l’utilisateur, la significativité) obtenu sur chaque intervalle de temps soit approximativement constant. Cette méthode [LOTT12] fournit des courbes de lumière plus riches en information qu’il n’est possible avec des courbes de lumière avec pas constant, sans favoriser à priori d’échelle de temps particulière et en évitant les limites supérieures.

            Ces avantages sont obtenus au prix d’une procédure itérative permettant de trouver les largeurs de pas satisfaisant le critère choisi. La méthode d’analyse standard est trop coûteuse en temps de calcul pour se prêter à une telle procédure itérative. Une évaluation simplifiée du flux par maximum de vraisemblance est couplée avec une estimation, pour chaque photon susceptible de provenir de la source, de l’incertitude relative du flux (ou la significativité) que l’on obtiendrait si ce photon était le dernier de l’intervalle de la courbe de lumière considéré. Cette dernière estimation est réalisée à l’aide de formules analytiques dérivées de l’équation du maximum de vraisemblance. La fiabilité de la méthode et l’absence de biais notables affectant ses résultats ont été testées à l’aide de simulations Monte-Carlo.

            Cette méthode a été appliquée aux données des blazars les plus brillants détectés par le LAT et permet une étude de la variabilité inégalée dans ce domaine d’énergie. Des observables telles que le cycle utile, les temps caractéristiques de croissance et décroissance des éruptions, le degré de corrélation entre flux et dureté spectrale ont été déterminées avec une précision bien meilleure qu’auparavant.